Overslaan en naar de inhoud gaan

Taalkeuze

  • Nederlands
  • Français
  • English

La peur de la mémoire

Door Koen Berwouts, 25 april 2025

Témoignage de Loochi

 

La guerre est encore une fois à la porte de la ville de Bukavu capitale de la province du Sud Kivu, le jargon de la nième libération est sur toutes les lèvres. Les rebelles de M23 progressent rapidement sur le champ de bataille en provenance de la ville de Goma. Je passe quelques coups de fils pour échanger avec les acteurs qui sont basés dans les villages du territoire de kalehe plus au nord de la ville, de ces entretiens, je me rends à l’évidence que la chute de la ville de Bukavu est imminente. Je repasse en revue dans ma mémoire les évènements antérieurs ; la guerre de 1996 sous l’AFDL laquelle avait fait un carnage dans la ville, plus de dix mille morts. 2004 ; le CNDP de Laurent Nkunda faisait le même parcours que font aujourd’hui les hommes du M23, le viol systématique avait été utilisé comme arme de guerre, mon inquiétude grandi. Cette fois ci c’est différent, je ne suis plus célibataire, je suis maintenant père de famille avec une dizaine de personnes à ma charge. De même, sur le plan professionnel, journaliste, avocat, agent humanitaire que je suis, je me sens de plus en plus exposé. Il y a moins d’une année, je venais de passer six mois d’emprisonnement à Kinshasa dans les geôles de l’agence nationale des renseignements pour des raisons liées à mon travail. Tous ces éléments foisonnent dans mon esprit, que faire ? 

Fuir ou rester ? 

Les échanges et les consultations familiales se succèdent ! la ville de Goma est tombée il y a une semaine, la seule voie encore libre est celle du sud. La ville d’Uvira plus au sud n’est pas sûre pour y trouver refuge, les groupes armés écument la zone. La seule option est donc Bujumbura au Burundi voisin. Mais il faut vite me décider, les frontières ne resteront pas éternellement ouvertes. Obtention difficile des documents migratoires, risques des barrières multiples dans la plaine de la Ruzizi et tracasseries récurrentes des militaires fuyards. Les risques sont majeurs pour un convoi d’une dizaine de personnes y compris femmes et enfants. Les jeunes adolescents risques également d’être pris de force et être enrôlés dans les groupes armés ou être désignés comme porteurs sur la ligne de front.  En plus, un des mes fils est resté bloqué sur l’île d’Idjwi où il était aux études. Partir et le laisser derrière ? ça sonnerait trahison dans son cerveau. De même l’argent liquide se fait de plus en plus rare, les banques n’ouvrent plus. Le temps presse, il faut prendre une décision, ma responsabilité est grande. Après mille réflexion, la décision est prise, nous resterons finalement sur place, qui à affronter cette énième pseudo libération.   

Sous le règne des ‘’babys soldiers’’ 

La progression des rebelles du M23 sur le terrain aura été finalement rapide. Bukavu, sous la peur des ‘’envahisseurs’’ s’en remet à Dieu. L’appel du prélat catholique de Bukavu et de la société civile, celle d’éviter tout affrontement dans la ville aura fait mouche, la bataille de Bukavu n’aura pas finalement lieu ! Les troupes des FARDC et leurs alliés quittent Bukavu dans un certain ordre se dirigeant dans la partie sud de la Province du Sud Kivu. Sans la présence des autorités civiles ni militaires et policières la ville est livrée aux hordes des pillards qui prennent d’assaut les magasins des munitions dans différents camps militaires. Pendant trois jours je n’ose mettre le nez dehors, les enfants dont certains n’ont que dix ans tirent des rafalent dans les rues désertes de la ville. Enivrés, kalachnikov en bandoulière, ils pillent magasins et boutiques. Les balles perdues tombent comme une fine pluie faisant des victimes silencieuses. Les nuits sont incertaines et de toutes les peurs, les règlements de compte retentissent dans l’obscurité, moment idéal pour se remémorer les dossiers délicats dans lesquels on est impliqué ! Dans pareille circonstance vivre sous le lit et garder silence parait être l’ultime solution 

 

Vivre sous le nouveau régime 

Alors que la ville de Bukavu fini par tomber, seuls les nouveaux arrivants militaires sont visibles dans les rues. La langue de bois s’établit entre eux et les habitants de la ville. Acclamés à leur entrée par une population désabusée,  très vite c’est la désillusion qui s’installe, l’insécurité bondit d’un cran. Les commerces reprennent timidement, les bureaux des services étatiques demeurent fermés, les banques sont désertes, les distributeurs de monnaies ont cessé de fonctionner. Bukavu tourne au ralenti. Aucun policier n’est visible, seules quelques jeeps des militaires passent à vive allure. ça et là des curieux discutent par petits groupes pendant la journée. Petits postes de radio à l’oreille, mais finalement une poignée des stations radios émettent sur la quinzaine que compte la ville, les hommes s’attroupent pour écouter les dernières nouvelles. Mais finalement pas grande chose n’en sort, les ondes courtes de la radio française RFI sont difficilement audibles. Celles qui émettent localement jouent de la musique en longueur de journée. Les écoles ont finalement rouverts mais les enseignants ne savent pas quand et par qui seront-ils payés.  Au final rien ne marche ! 

Les journées sont longues et monotones, les chats sur les réseaux sociaux sont les principales occupations qui demeurent. Ah oui ces réseaux sociaux ! ils ont été pris d’assaut par des influenceurs lesquels distillent la peur dans les populations. Chaque audio qui tombe … allo allô groupe …est porteur des nouvelles troublantes, et nous préparent à des nuits sombres et stressantes. A 18 heures, plus d’âmes qui vivent dehors, tout le monde se barricade. Ça tire ça et là, les sifflets et les vuvuzela retentissent, ce sont les appel à l’aide. S’en suivent dans certains quartiers des présumés voleurs qui tombent dans les filets des jeunes patrouilleurs du quartier. La sentence est vite rendue, c’est la vindicte populaire ! le bucher comme au beau vieux temps de l’Europe médiévale. Le M23 déclarant qu’il n’a que faire des bandits ne disposant ni de prison moins encore des forces de police. Au matin, le décompte macabre est fait ! des dizaines de morts. 

Médias ? vaut mieux se taire ! 

Au temps des réseaux sociaux, facebook et WhatsApp font l’affaire. Les apprentis sorciers journalistes distillent les nouvelles, influençant l’opinion à leur guise. Ce sont les principales sources d’informations qui demeurent. Les médias traditionnels et professionnels ont du mal à convaincre l’opinion. Les M23 ayant dictés la ligne éditoriale. ‘’nous ne sommes dans un espace d’ouverture politique et médiatique’’. Les informations sur les radios locales sont données dans un ton prudent, ne pas surtout énervés la religion des nouveaux maitres. En longueur des journées ce sont les directives idéologiques ou les brouhaha de la musique congolaise qui sont diffusés. Les émissions de débat politiques ne sont pas admises. C’est le revers de la médaille, l’espace médiatique Bukavien est pris dans son propre piège, la plupart des stations radios sont l’œuvre des acteurs politiques actifs dans les salons de Kinshasa. Le M23 n’est pas naïf, les outils des concurrents politiques ne peuvent servir d’espace de démobilisation. Certains professionnels des médias eux-mêmes clochardisés finissent par rejoindre la rébellion. Finalement les hommes libres ont le choix entre se taire ou fuir. 

La flamme peut-elle encore briller ? survivre ou mourir 

Finalement, la vie, elle-même s’est arrêtée, le temps reste suspendu ! Les perspectives sont sombres, n’ayant pas quitté les lieux, il ne reste plus qu’à s’inscrire dans un cycle de survie ! imaginer les nouvelles activités, chercher des nouveaux emplois, mais où ? Les rares ONGs internationales qui pouvaient encore prendre le relais, plient bagages. Le temps de la résilience a sonné, il ne faut surtout pas mourir, l’espoir demeure !

  

Taalkeuze

  • Nederlands
  • Français
  • English

Gebruikersmenu

  • Inloggen

Hoofdnavigatie

  • Home